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Quels sont les arguments retenus quand à la surface pondérée d'une boulangerie ?

Philippe Offrédic. Dès 2000, gérant de 10 Boulangeries avec son épouse issue d'une longue lignée de Boulangers. Puis agent d’affaires en Bretagne, spécialisé en cession de Boulangerie entre 2009 à 2014. Depuis 2019, Expert immobilier, membre du Centre National de l'Expertise, diplômé de l'université de Rennes 1 - Licence métiers d’immobilier.

Le CNE a obtenu le 21 Juillet 2021 la certification QUALIOPI *.

En matière d'Expertise de la valeur locative de locaux commerciaux, très souvent est retenue par les tribunaux, la Charte de l’expertise en évaluation immobilière (5ème édition, mars 2017). Qui pose le principe de pondération, dont le principe consiste à ramener les différentes catégories de surfaces réelles, selon leur intérêt, à une surface courante, en appliquant des coefficients de pondération.

Déjà dès 2015 « la nouvelle grille de pondération des surfaces commerciales » était évoquée dans un article de la Gazette du Palais - éditions spécialisées n° 226.(1)

« La nouvelle grille unique de pondération des surfaces commerciales applicable depuis le 1er juillet 2015, laquelle emporte une large adhésion des professionnels de l'immobilier commercial.

Les experts font mention de point de comparaison. Pour être pertinent, ces rapprochement s'opère au mètre carré pondéré.

La pratique de la pondération est requise par le code du Commerce qui impose de raisonner par unité de surface (Code du Commerce article R 145–7), la pondération est considérée par la cour de cassation comme une question de faits dont l'appréciation relève des juges du fond.

La méthode général de pondération défini de nouveaux seuil pour distinguer boutique et grands volumes commerciaux, adapte les coefficients et propose une pondération des moyennes surfaces commerciales de périphérie. La fourchette qu'elle propose ménage une part d'appréciation aux experts pour être adapté à une grande diversité de configuration. Car « Certains cas particuliers peuvent justifier des exceptions motivé à ces fourchettes ».

De fait, la jurisprudence reste constante dans ce domaine. Mais la boulangerie est le parent pauvre en matière de références. Tout comme la restauration, dont nous informe avec pertinence Philippe Favre-Requillon, expert en estimation immobilière et commercial près la cour d'appel et la cour administrative d'appel de Lyon, dans un article de la revue Lextenso(2), issu de la gazette du palais n° 11 page 44, paru le 20 mars 2018 qui soulignait : « en matière de grille de pondération adapté aux surfaces de restauration, forcé de constater que la nouvelle charte de l'expertise, en sa cinquième édition, laisse le praticien de l'estimation immobilière… Sur sa faim ! » la grille de la charte pondérant entre 0,10 et 0,40 au plus d'indispensable réserves, locaux sociaux et techniques.

En Bretagne : « une affaire particulièrement récente porter à l'appréciation d'une autre cours faisait cette dernière se prononcer pour une pondération majorée du sous-sol à usage de salle de restauration, jusqu'à 0,50 (Cour d'Appel de Rennes, 10 mai 2017, numéro 14/10011) ».

Encore mieux, concernant la particularité de la salle recevant du public : « dès 2017, la cour d'appel de Paris se prononçait sur la surface pondérée d'un fond d'une enseigne leader de la restauration rapide (Cour d'Appel de Paris, 4 avril 2007, n° 06/06880), retenant un coefficient de 0,75 pour une salle de premier étage ».

Pour conclure sur cet article référent qui nous éclaire sur la pondération en matière de restauration, Il précise : « les décisions précitées démontrent l'attention particulière portée par les juridictions à la juste considération de l'ensemble de la surface utile du fonds, en fonction de sa destination particulière ». C'est bien là l'esprit du texte en évoquant : « l’exploitation ou chacune des activités exercées dans les lieux ». (Code du Commerce. art. R 145-3.2)

C'est bien le Code du Commerce qui prévaut, là où la Charte de l’expertise en évaluation immobilière (5ème édition, mars 2017) n'est qu'une recommandation(3).

Enfin, je vois déjà certains s'avancer en me disant : « quid de la restauration sur le thème de la boulangerie, alors ? »

J'y répondrai : « tout est dans les écritures » car il s'agit bien là de restauration au terme du « commerce considéré ». En effet, À défaut d'accord entre les parties et conformément à l’article L 145–33 du code de commerce qui pose le principe en matière de loyer : Qu’il s’agisse de révision ou de renouvellement, celui-ci doit correspondre à la valeur locative. Cet article de loi fixe les éléments à prendre en compte pour la détermination de la valeur locative commerciale de la façon suivante :

  • Les caractéristiques du local considéré ;

  • La destination des lieux ;

  • Les obligations respectives des parties ;

  • Les facteurs locaux de commercialité ;

  • Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En effet, la boulangerie, considérée comme métier de bouche, telle une boucherie, une poissonnerie ou une fromagerie a son particularisme. Jusqu'à en être parfois considérée, en complément à notre réflexion, comme des locaux monovalents ! Oui, des locaux battis ou aménagés en vue d’une seule utilisation. La Cour d'Appel de Nîmes 4ème chambre commerciale le 9 novembre 2017- n° 16/03327(4), nous éclaire à ce sujet : « le caractère monovalent ou non des locaux loués ». En appel, les bailleurs au sens de l'article R 145-10 du code de commerce, « soutiennent qu'en ce qui concerne les locaux à usage de boulangerie, la jurisprudence considère qu'il y a local monovalent à chaque fois que la boulangerie comporte un four construit à cet usage, et que cette règle vaut, lorsque le four a été construit à l'origine dans un local aménagé pour l'exploitation d'une boulangerie comme cela serait démontré par le bail régularisé ». Ce qui est contesté par la partie adverse. « ils ajoutent que la cheminée d'évacuation du four, outre le fait qu'elle n'est pas démontable, traverse l'ensemble des appartements situés dans les étages supérieurs, y compris les appartements » L’exploitant fait valoir pour sa part que la jurisprudence considère que : « le caractère monovalent d'une boulangerie résulte de l'installation d'un four tel qu'il interdit toute autre exploitation sans démolition de cet équipement et reconstruction, que le four doit ainsi être encastré et intégré au bâti et que le bailleur ne peut se limiter à se prévaloir de l'ancienneté de l'affectation du local ». Et « elle affirme qu'il n'y a jamais eu un four maçonné, que le four installé est parfaitement démontable et lui appartient, que si elle devait quitter les lieux, les locaux seraient restitués en l'absence de tout four et de tous aménagements de la boutique de sorte qu'ils pourraient être affectés à tout autre usage ».

Pour revenir à notre préoccupation du moment, ne perdons pas de vue les critères d'évaluation de la surface pondérée d'une boulangerie. La Charte de l’expertise en évaluation immobilière (5ème édition, mars 2017), nous est tout de même bien utile en contextualisant l'évaluation des surface pondérée des boutiques, aussi : « concernant l'affectation des locaux, les coefficients doivent prendre en compte les autorisations contractuel et administrative, mais pas le choix des locataires » en effet que deviendrait une boulangerie sans son fournil avec son pétrin ? Elle perdrait son droit à l'appellation Boulangerie. Car, l’utilisation de l’appellation boulangerie sur un lieu de vente de pain est soumise à des conditions particulières. C’est en effet une loi du 25 mai 1998, votée à l’unanimité par les parlementaires, qui, à la demande de la profession, réglemente l’emploi de cette appellation. Avant cette loi, le terme boulangerie pouvait indistinctement être visible sur un établissement qui fabriquait le pain ou sur un établissement qui se limitait à le vendre.

Afin d’assurer une concurrence loyale et de ne pas tromper les consommateurs l’article unique de cette loi a complété le code de la consommation de 3 articles : les articles L. 121-80, L. 121-81 et L. 121-82. Au 1er juillet 2016, par une ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l’article L. 121-80 devient L. 122-17, l’article L. 121-81 devient L. 122-18 et l’article L. 121-82 est remplacé par deux articles L. 132-27 et L. 132-28.(5)

Les deux premiers articles fixent les conditions d’utilisation de l’appellation. Les deux derniers indiquent les modalités de répression et les sanctions des infractions à ce texte.

La leçon vaut bien Fromage sans doute…

En l’occurence, un fournil déporté a la contrainte des livraisons et du manque de réactivité à la cuisson des produits. Ces locaux monovalents ou pas…Bénéficient, de surcroit, très souvent d’une extraction absolument nécessaire à la cuisson des produits de pâtisserie, viennoiserie et du pain.

La pondération des surfaces amenée à sanctionner la perte d'utilité de ces locaux est bien normale. Face à un sujet où les locaux annexes et techniques deviennent d'une grande utilité technique et administrative et absolument nécessaire à la bonne marche de l’entreprise. De plus, qu'en est-il de l’appréciation commerciale des bienfaits de l’émanation de bouquets olfactifs sur l'achat d'impulsion et la dynamique d’ambiance générée par la présence du laboratoire de fabrication sur le lieu de vente.

Le bon sens de la commission des baux d’Ille-et-Vilaines est d’humeur constante à ce sujet et confirmé dans une conciliation entre bailleur et preneur d’un local de boulangerie sur la côte malouine, le 15 décembre 2021 : « la pondération des locaux techniques d’une belle boulangerie est de 0,7 pour les locaux techniques, en l'occurrence de fournil et de pâtisserie.

Sans aller au-delà des 0,8 dans une précédente appréciation similaire en hyper-centre de la capitale Bretonne(6).

Cependant, la jurisprudence récente n'est pas aussi généreuse. Les décisions de justice ne dépassant pas un coefficient de 0,5 pour ses parties techniques des locaux :

Tel, au TGI de Paris des loyers commerciaux, le 27 février 2017(7) : « La description matérielle et de situation faite par l'expert résulte des constatations objectives qu'il a pu faire ». Elle sera donc retenue. La surface utile retenue par l'expert est de 172,60 m². La surface pondérée du local commercial a été estimée par l'expert à 108 m². Il a divisé le rez-de-chaussée en plusieurs zones et a appliqué les coefficients suivants : « à la boutique, 1,10 pour la zone d'angle et 1 pour la zone à la rue, 0.65 au fournil, 0,50 au local de préparation, 0,50 au laboratoire pâtisserie sur courette ».

Concernant Le premier étage, l'expert à retenu 0,25. Le propriétaire est d’accord, alors que l’exploitant retiennent une surface pondérée de 89 m2. Dans ce dossier : « Pour le fournil, le local de préparation et le laboratoire pâtisserie, un coefficient de 0,50 pour ces zones non accessibles à la clientèle apparaît justifié ». Seul le coefficient appliqué au fournil sera ainsi modifié. Les coefficients proposés par l'expert seront retenus comme pertinents.

De même, à laCour d'Appel de Paris 5.3, le 27 septembre 2017(7) : « l'appelant reproche au premier juge d'avoir retenu des pondérations excessives et non conformes aux méthodes de pondération déterminée par la charte de l'expertise immobilière. Aussi sur la surface non affecté à la vente : il y aurait lieu d'appliquer un coefficient maximum de pondération de 0,40 pour l'ensemble, y compris pour le laboratoire, les coefficients de 0,60 et de 0,75 retenus par l'expert étant excessifs et non conformes à la charte de l'expertise qui prévoit habituellement pour ce type de locaux un coefficient maximum de 0,40. Quant aux locaux situés au sous-sol, il conviendrait de retenir un coefficient de 0,15 au lieu de celui de 0,20 retenu par l'expert, compte tenu des difficultés d'accès à cet ensemble ». Alors qu’au 1er étage, à usage d’habitation, l'expert a retenu un coefficient de 0,40, mais compte tenu des difficultés d'accès, un coefficient de 0,30 serait appropriée. L'appelant réclame une valeur locative du loyer en renouvellement au 1er avril 2013 sur la base de 290 € le m² à 16.200 € ».

Toujours, à la Cour d'Appel de Versailles, le 26 février 2019(7), le bailleur démontre que : « la cuisine installée au rez-de-chaussée est affectée à l'usage du commerce de boulangerie ni qu'une autre cuisine existe au premier étage, et que les photographies des locaux par l'expert corroborent le fait qu'il s'agit d'une cuisine familiale et que l'appartement familial n'est pas pourvu d'une cuisine reliée ( page 15 du rapport), c'est à bon droit que le premier juge a intégré la superficie de 16,47 m², qui n'a pas à être pondérée, dans la superficie de la partie habitation du bail » La demande du bailleur de voir augmenter le coefficient de pondération pour la cuisine sera rejetée. Les coefficients de pondération donnés par l'expert pour la boutique de coefficient 1 et le fournil de coefficient 0,5 au rez-de-chaussée ne sont pas contestés par les parties. Ainsi que le sous-sol à 0,10. « La seule contestation porte sur le coefficient de pondération de 0,20 donné par l'expert aux réserves sanitaires du premier étage », l’exploitant considérant qu'il doit être ramené à 0,10 au vu de la difficulté d'accès de ces pièces. « L'expert a relevé l'existence d'un escalier d'accès à l'étage relié type échelle de meunier" pour accéder aux réserves du premier étage et indique que les locaux du 1er étage sont à l'état brut avec des traces d'humidité et de désordres. « Le premier juge en a exactement déduit l'affectation d'un coefficient de 0,15 à la superficie de ce premier étage »

L’approche du sujet étant à appréhender au cas par cas suivant les « recommandations » de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière (5ème édition, mars 2017) qui « ne constitue pas un manuel de méthodologie d’évaluation immobilière (p8)".

Comme le disait un célèbre Expert en son Domaine : « l'expérience est une bougie qu'il n'éclaire que celui qui la porte ». Nous voilà éclairé sans doute…

Avec mes remerciements à Maître Antoine Ferezou, Avocat de son état, pour son aide dans la recherche de la pertinente Jurisprudence.

Notes et références :

(1) Gazette du Palais

(2) Lextenso/Université Jean Moulin Lyon 3

(3) CHARTE-DE-L-EXPERTISE-2017-5e-edition

(4) Lexis360/jurisprudence

(5) Chambre de l’artisanat

(6) Cabinet Mercure Emeraude

(7) Lexbase/jurisprudence

* la certification qualité a été délivré au titre de la catégorie suivante : action de formation.

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